Par arrêt du 14 avril 2021, n° RG 18/27392 – la Cour d’Appel de Paris a confirmé qu’un legs en faveur d’une fondation à constituer post mortem, ne peut être validé s’il ne donne lieu soit au dépôt d’une demande de reconnaissance d’utilité publique de la fondation personne morale à créer et dans l’année qui suit l’ouverture de la succession, soit à une libéralité avec charge consentie par disposition testamentaire en faveur d’une fondation nommément désignée dans le testament qui abritera un compte de fondation dépourvu de la personnalité juridique.

Les deux voies possibles pour créer une fondation post mortem

Par arrêt du 14 avril 2021, n° RG 18/27392 – la Cour d’Appel de Paris a confirmé qu’un legs universel ou particulier en faveur d’une fondation à constituer post mortem, peut se réaliser de deux manières :

  • Soit la fondation à constituer est une fondation autonome, dotée de la personnalité morale. Telle est l'hypothèse visée par l'article 18-2 de la loi n° 87-571 du 23 juillet 1987, suivant lequel un legs peut être fait au profit d'une fondation qui n'existe pas au jour de l'ouverture de la succession sous la double condition que la fondation obtienne la reconnaissance d'utilité publique qui lui conférera la personnalité morale (rétroactivement à compter du décès) et l’exonération de droits de succession, et que cette reconnaissance soit demandée dans l'année suivant la date de l’ouverture de la succession. Le texte précise que si la reconnaissance d'utilité publique n'est pas demandée dans ce délai, le legs est nul.
  • Soit la fondation à constituer est une fondation abritée, c'est-à-dire une fondation à créer sous l'égide d'une autre fondation habilitée à l'accueillir. Elle jouit alors d'une autonomie administrative et financière, mais elle n'a pas de personnalité morale propre. Aussi les dispositions précitées de la loi du 23 juillet 1987 n'ont-elles pas lieu de s'appliquer.

Dans cette seconde hypothèse, le fondateur adresse à une personne morale publique ou privée une libéralité à charge pour cette personne morale d'affecter cette libéralité à l'œuvre envisagée par le défunt. 

Les dispositions testamentaires au cas d’espèce et la faute du Notaire

 En l'espèce, le testament désignait le légataire comme suit : « le reste ira à la création d'une fondation « famille René et Alice WEIL ».

Le notaire a invité les parties, non pas à déposer un dossier de reconnaissance d'utilité publique de la fondation à créer, reconnaissance emportant création d'une fondation disposant de la personnalité morale, mais à s'adresser à une fondation « abritante » pour créer la fondation souhaitée par le testateur sous son égide et les formalités en ce sens ont été entreprises.

Les parties ont donc approché la Fondation FJF, non mentionnée dans le testament, pour signer une convention de création en son sein d'une fondation sans personnalité juridique, constituée d'un seul compte affecté. 

La solution du Tribunal confirmée par la Cour d’Appel

 Le tribunal, relevant que le testament ne fait aucune référence à la FJF de sorte qu'il ne la désigne aucunement fut-ce en qualité de fondation « abritante », a interprété l'acte en considérant qu'il visait à la création d'une fondation avec personnalité juridique, comme le permet l'article 18-2 de la loi n° 87- 571.

En effet, la possibilité énoncée par l'article 20 de la loi de créer une fondation sous égide suppose que la fondation abritante pressentie soit citée dans le testament, et à défaut, le legs est fait à une personne incertaine, en violation des dispositions de l'article 906 du code civil qui traduit le principe fondamental suivant lequel il ne peut exister de droits sans sujets de droit.

Il appartient toujours aux tribunaux d'interpréter les testaments et d'en dégager le sens et la portée véritable et en l'espèce, le testateur a manifesté par disposition testamentaire ses dernières volontés de gratifier de ses biens légués une fondation dénommée « Fondation Individualisée Famille René et Alice Weil » et imposer à sa succession la charge de la créer, ce qui en l'absence de référence à une fondation abritante, ne se concevait que de manière autonome.

L'article 18-2 de la loi n° 87- 571 prévoit expressément que la création d'une fondation post mortem ne peut être effectuée par legs, que sous la condition que ladite fondation acquière la personnalité morale, que ce soit, après les formalités de constitution, par décret de reconnaissance d'utilité publique, nécessaire en France, ou par tout autre acte à l'étranger.

En l'espèce, aucune des dispositions de l'article 18-2 de la loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 n'a été respectée puisqu'il n'a pas été déposé de demande de reconnaissance d'utilité publique auprès de l'autorité administrative compétente dans l'année suivant l'ouverture de la successions ».

Le Cour d’Appel a donc confirmé le jugement du tribunal qui avait été saisi par le conjoint survivant et ce, en ce qu’il a dit que le légataire était inexistant et que le legs devait être déclaré nul.

En effet, la condition d’obtention de la personnalité morale, même rétroactivement, au jour de la succession, est essentielle et déterminante, étant par exemple également exigée pour les legs consentis à une fondation à créer à l’étranger.

C’est ainsi qu’un legs peut être valablement consenti au profit d’une fondation étrangère à créer, mais sous réserve que ladite fondation acquière sa propre personnalité morale au jour de l’ouverture de la succession et ce, le cas échéant par une autre procédure que la reconnaissance d’utilité publique, nécessaire en France, mais pas toujours à l’étranger et seulement dans ce cas (Cass civ 1, 15 avril 2015, n° 14-10661, Bulletin 2015, I, n° 93).

Ainsi d’une fondation créée par testament et bénéficiant de l’acquisition d’une personnalité juridique propre du fait de son inscription au registre du commerce de Genève (même arrêt).

A contrario, aucune personne morale n’ayant été créée en la présente espèce, la « Fondation Weil » « créée » sous l’égide de la FJF était inexistante et le legs est nul.

***

Retour

Nous contacter

Vous pouvez nous envoyer un message à l'adresse suivante :
contact@bodson-avocats.fr
ou en remplissant le formulaire ci-dessous :
Ou nous envoyer un message ci-dessous
Ce champ est requis ou invalide

Ce champ est requis ou invalide

Ce champ est requis ou invalide

Ce champ est requis ou invalide

Ce champ est requis ou invalide